Une pénurie de main-d’œuvre s’annonce dans le secteur de la construction du Canada

La CBC a récemment publié un article sur la pénurie de main-d’œuvre imminente dans le secteur de la construction de l’Ontario. L’article souligne ce que nous savons déjà depuis un certain temps : le nombre de travailleurs du secteur de la construction qui prennent leur retraite est de beaucoup supérieur au nombre de nouveaux arrivants et la situation en Ontario est représentative d’une pénurie de main-d’œuvre à l’échelle de tout le Canada.

S’inspirant d’un récent rapport de la CIBC sur la situation au pays, Colin Butler écrit qu’un cinquième de la main-d’œuvre est proche de la retraite, ce qui créera 80 000 postes vacants. Selon les estimations, il pourrait y avoir jusqu’à 300 000 postes non pourvus à la fin de la décennie.

La situation est exacerbée, écrit-il, par la demande pour de nouvelles constructions alors que les provinces élaborent des plans pour résoudre la crise du logement. L’Ontario, par exemple, s’est fixé comme objectif de construire 1,5 million de nouvelles habitations d’ici 2030 et la Société canadienne d’hypothèques et de logement indique qu’il manque 5,8 millions de logements pour rétablir l’abordabilité dans l’ensemble du pays.

Pour atteindre ces objectifs en matière de logement, le Canada devra accroître sa main-d’œuvre du secteur de la construction. À cette fin, il est essentiel de former cette main-d’œuvre de l’avenir de manière à ce qu’elle soit prête à s’engager dans l’action climatique.

Respecter les engagements climatiques

L’atteinte des cibles climatiques du Canada pour 2030 et 2050 dépend en grande partie des réductions de carbone dans le secteur du bâtiment. Environnement et Changement climatique Canada prévoit des réductions de 37 pour cent des émissions d’ici 2030 par rapport aux valeurs de 2005 et l’atteinte de la carboneutralité en 2050. Ces réductions ne seront possibles que si tous les nouveaux bâtiments sont à carbone zéro d’ici 2030 et que tous les grands bâtiments existants sont rénovés de manière à le devenir d’ici 2050.

Le secteur du bâtiment du Canada a déjà fait la preuve qu’il est possible de réaliser des bâtiments à carbone zéro – qu’il s’agisse de nouveaux bâtiments, comme le nouveau siège social de Co-operators, de projets de rénovation comme Le Phénix, de Lemay, ou encore de bâtiments à logements multiples comme Les appartements Faro à Montréal, un projet qui démontre que la densité de logements peut aussi atteindre le carbone zéro.

Le CBDCA estime que la rénovation de 155 000 bâtiments de plus de 30 000 pieds carrés au Canada pourrait entraîner une réduction d’environ 40 Mt d’émissions de carbone, ce qui correspond à près de la moitié des émissions de carbone du secteur du bâtiment dans son ensemble.    

Élargir le bassin de main-d’œuvre

La rénovation de ces grands bâtiments à grande échelle nécessite une main-d’œuvre beaucoup plus abondante possédant les compétences requises pour réaliser des bâtiments à carbone zéro et des rénovations profondes de décarbonation. Les nouvelles politiques climatiques et le nouveau financement stimuleront l’économie de la rénovation verte du Canada, ce qui nécessitera des dizaines de milliers de travailleurs, en particulier dans les domaines du CVCA et de l’électricité.

La pénurie de travailleurs offre une occasion de réorienter des travailleurs œuvrant dans des secteurs perturbés et d’intégrer des groupes sous-représentés. Par conséquent, l’industrie, le milieu de l’enseignement et les gouvernements s’efforcent de positionner le secteur du bâtiment en tant que choix de carrière intéressant et stable, et cherchent à attirer les Autochtones, les jeunes, les femmes, les immigrants et les membres d’autres groupes sous-représentés.

Requalifier la main-d’œuvre pour la réalisation de bâtiments sobres en carbone

Pour inspirer et attirer les talents, il faut adopter des stratégies de collaboration qui favorisent l’expansion et la formation de la main-d’œuvre. La Workforce 2030 Coalition en est un bon exemple. Cette coalition représente des employeurs de tout l’écosystème de la construction, des syndicats et le secteur de l’éducation qui unissent leurs efforts pour influencer les politiques gouvernementales, les pratiques des entreprises et la formation afin d’accélérer la transformation de la main-d’œuvre.

Le CBDCA soutient également l’élaboration d’une Stratégie pour la formation des ouvriers spécialisés sur la sobriété en carbone subventionnée par le gouvernement de la Colombie-Britannique par l’entremise de son Sector Labour Market Program. À l’automne, nous lancerons également à la grandeur du pays un programme de formation sur la sobriété en carbone subventionné par le gouvernement du Canada.  

Dans une perspective d’avenir

Dans notre plus récent rapport sur le marché, Le bâtiment durable comme élément moteur au Canada, nous avons examiné à quoi pourrait ressembler le marché de la main-d’œuvre du bâtiment durable en 2030. Si le Canada continue dans la voie de l’adoption de politiques progressistes, comme la Stratégie pour un gouvernement vert et la Stratégie canadienne pour les bâtiments verts anticipée, le secteur du bâtiment durable pourrait représenter 1,5 million d’emplois directs et jusqu’à 150 milliards de dollars de PIB. Les bâtiments durables sont un secteur économique à forte croissance et continueront de l’être. Le gouvernement fédéral et les ministères devront tenir compte de cette réalité lorsqu’ils finaliseront leur Plan pour des emplois durables d’ici 2025.

Une économie forte et un leadership environnemental vont de pair. Le Canada s’apprête à faire croître la main-d’œuvre qualifiée dont nous avons besoin pour décarboner les bâtiments et atteindre nos cibles de réduction des émissions. D’autres pays – comme l’Irlande et les États-Unis – agissent rapidement et mettent en œuvre des plans visant à combler le manque de compétences en matière de bâtiment durable. Pour suivre la cadence et rester un chef de file, le secteur du bâtiment du Canada a besoin d’une action concertée audacieuse de tous les ordres de gouvernement et des responsables de l’éducation et de la formation.