Investir de manière durable dans des marchés en mutation, avec Della Wang

Personnel du CBDCA on septembre 10, 2025

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Force montante de la gestion d’actifs durables, Della Wang dirige la stratégie d’investissement responsable de Fengate, où elle met à profit ses connaissances financières exceptionnelles et sa vision environnementale. En tant que directrice de l’investissement responsable, elle a dirigé l’élaboration des normes de conception durable de Fengate, a lancé un programme de diligence raisonnable à l’échelle de l’entreprise, y compris une évaluation normalisée des risques climatiques physiques, et a rédigé le premier rapport sur la durabilité de Fengate. Elle est la lauréate du Prix du leader écologique de l’avenir 2025 du CBDCA. Dans la présente entrevue, elle traite du paysage de l’investissement vert et des pratiques d’évaluation des risques dans le secteur immobilier canadien.

On parle beaucoup d’écosilence actuellement et des entreprises reculent sur leurs engagements de durabilité. Croyez-vous qu’il s’agit là d’une tendance?

Il est vrai que les gros titres récents révèlent que certaines organisations se retirent discrètement des déclarations sur les critères ESG et des engagements en faveur de la durabilité. Je pense toutefois que ce n’est pas uniquement parce que la durabilité est devenue moins prioritaire dans leurs programmes. Ce virage découle plutôt de l’adoption rapide et généralisée des pratiques ESG à la fin des années 2010, lorsque de nombreuses organisations ont été incitées ou encouragées à fixer des objectifs ambitieux, parfois au détriment d’une intégration réfléchie et pratique.

Dans le contexte actuel où le public s’intéresse moins aux critères ESG, je pense que les entreprises ont une excellente occasion de se réajuster. Elles peuvent harmoniser plus stratégiquement leurs objectifs de durabilité avec leurs fonctions commerciales essentielles et leurs stratégies d’investissement, et envisager des initiatives à la fois pratiques et percutantes.

On peut avoir l’impression que les progrès ont ralenti, mais le moment me semble actuellement intrinsèquement différent. Une grande partie de l’industrie n’a plus besoin d’être convaincue que le risque climatique est réel ou que la durabilité et la résilience vont de pair. Les réalités du changement climatique posent des défis pour les décennies à venir. Par conséquent, les stratégies intégrées de gestion du climat ne sont pas simplement une tendance temporaire, mais une nécessité à long terme pour les fiduciaires. Nous entrons dans une nouvelle phase où les organisations peuvent intégrer la durabilité dans leurs activités, de manière significative et pérenne, tout en reconnaissant que la responsabilité environnementale peut être essentielle à la réussite financière à long terme.

Quelle est l’importance des considérations ESG dans votre stratégie d’investissement? Comment décririez-vous la demande pour des investissements conformes aux critères ESG parmi vos clients?

Malgré les gros titres annonçant un recul, mon expérience montre que les investisseurs sont de plus en plus avisés concernant leurs exigences d’ESG. Cette tendance est évidente chez les leaders européens traditionnels de l’investissement durable, mais aussi, de plus en plus, chez les investisseurs nord-américains. Les investisseurs passifs ne considèrent plus l’ESG comme un simple outil de sélection lors des vérifications d’usage, mais plutôt comme un moteur de création de valeur.

Ils demandent des études de cas sur le rôle joué par l’ESG dans les décisions d’investissement ou d’exploitation, ainsi que des précisions sur les mesures prises par les gestionnaires pour garantir que les actifs sont prêts pour la transition vers une économie sobre en carbone. Ils ne mettent plus l’accent sur les horizons d’investissement immédiats et s’attendent de plus en plus à ce que les gestionnaires d’investissement démontrent leurs compétences pour planifier des scénarios solides qui assurent la résilience jusqu’en 2050 et au-delà. J’ai observé un essor des normes de l’industrie dans le secteur immobilier, où les pratiques de conception et d’exploitation durables ne sont plus un facteur de différenciation, mais deviennent de plus en plus la norme pour les gestionnaires. J’ajouterais que l’adoption croissante des programmes de certification de bâtiments durables et des outils d’analyse comparative permet aux investisseurs de comparer et de contraster plus efficacement les performances des gestionnaires dans ces domaines.

Comment parvenez-vous à intégrer ces considérations dans le cycle de vie d’un investissement? Quels sont selon vous les critères fondamentaux dans votre portefeuille immobilier et sur quels outils vous appuyez-vous pour les satisfaire?

Pour Fengate, l’intégration des considérations ESG tout au long du cycle de vie des investissements repose sur trois éléments clés : les bons outils, les bonnes personnes autour de la table et le bon moment. C’est ce qui en fait un art et une science. La première étape consiste à exercer une diligence raisonnable. À cette fin, nous avons établi un ensemble normalisé de questions et de critères d’évaluation des risques qui aident l’équipe d’investissement à évaluer correctement les risques et les opportunités sur une échelle de 1 à 10 points. Cette évaluation permet de comparer des occasions d’investissement qui peuvent varier selon le type, la taille et l’emplacement. Certaines questions nécessitent un soutien supplémentaire et des outils particuliers permettent alors de mener une analyse des scénarios de risques climatiques physiques, une évaluation des risques liés à la nature et à la biodiversité, ainsi qu’une évaluation des risques liés à la transition climatique.

Pour toute la période de propriété, nous avons mis en place un suivi et un dialogue continus avec les équipes de gestion immobilière et les locataires. Nous utilisons des outils de gestion des données tels que Brightly pour suivre en temps réel les indicateurs de durabilité, et nous organisons des réunions trimestrielles sur la durabilité afin de fixer des objectifs, de mesurer les résultats et de partager des commentaires et des idées. Nous travaillons également avec des consultants en durabilité pour mener une série d’études sur la décarbonation de l’ensemble de notre portefeuille, dans le but d’établir un programme d’allocation de capital à long terme axé sur la mise en place d’une trajectoire de décarbonation conforme au Carbon Risk Real Estate Monitor (« CRREM ») pour les actifs que nous gérons.

Nos critères fondamentaux exigent que chaque actif soit prêt à gérer les risques climatiques physiques et de transition, à viser activement l’efficacité des ressources et la protection de la biodiversité et à s’engager dans la communauté tout au long de ses activités. Pour analyser les risques climatiques physiques, nous nous appuyons sur des outils de tierces parties qui nous aident à intégrer efficacement l’analyse de scénarios dans notre processus de diligence raisonnable. Ces ressources rationalisent les évaluations complexes et aident notre équipe à identifier dès le début les risques potentiels et à en tenir compte. Actuellement, nous développons un cadre interne pour les principes de conception durables et les directives de rénovation. Cette initiative donnera à notre équipe les moyens d’établir des objectifs clairs au début de chaque occasion d’investissement. Ainsi, nous pourrons atteindre ces objectifs selon une approche réaliste, reproductible et à fort impact.

À votre avis, quels sont les investissements immobiliers alternatifs susceptibles de favoriser la transition vers une économie sobre en carbone?

C’est une question de plus en plus pertinente, car le secteur immobilier évolue pour s’adapter aux risques climatiques auxquels nous faisons face aujourd’hui. Nous avons constaté un regain d’intérêt dans les investissements immobiliers alternatifs qui favorisent directement la transition vers une économie sobre en carbone. Mentionnons par exemple la réutilisation adaptative de bâtiments existants qui prolonge la vie d’actifs bâtis et réduit les déchets, ainsi que la construction modulaire ou l’utilisation du bois massif, deux mesures qui réduisent le carbone intrinsèque et améliorent l’efficacité.

Les systèmes mécaniques innovants, comme le transfert de l’énergie des eaux usées, le refroidissement par l’eau profonde d’un lac et les solutions géothermiques parmi les thermopompes électriques plus courantes, attirent également l’attention pour leur potentiel de réduction des émissions opérationnelles. Au-delà de ces mesures, l’agriculture urbaine durable, les toitures vertes et les aménagements à usage mixte qui intègrent les solutions fondées sur la nature gagnent du terrain pour leur efficacité à favoriser des résultats environnementaux et sociaux. Les développements axés sur le transport en commun et conçus pour être sobres en carbone offrent le double avantage de réduire les émissions et de promouvoir des quartiers dynamiques et connectés. Fengate compte quelques projets géothermiques en cours de développement et explore diverses solutions innovantes de conception durable dont la mise en œuvre a déjà fait ses preuves ici, en Amérique du Nord.

Dans le contexte évolutif actuel du paysage de l’investissement, Fengate juge essentiel de rester agile, de chercher à conclure des partenariats avec des promoteurs avant-gardistes et de s’inspirer d’autres marchés européens et asiatiques. L’innovation et la collaboration continues faciliteront la généralisation de ces solutions expérimentales, ce qui permettra à un plus grand nombre d’organisations d’adopter en toute confiance des technologies orientées vers le climat.

Avez-vous des conseils pour vos collèges leaders écologiques de l’avenir?

Si j’avais un conseil à donner à mes collègues leaders écologiques de l’avenir, ce serait celui-ci : soyez curieux et remettez les normes en question. La voie vers un avenir durable nécessite une expertise technique, mais aussi l’audace de penser au-delà du statu quo.

Mon parcours dans la durabilité est inhabituel, car j’ai une formation en finance et en comptabilité. J’ai constamment cherché à acquérir des connaissances auprès de mes collègues et à recueillir des points de vue de professionnels issus de diverses disciplines et je dois dire que ce fut très utile. Les jours où les progrès semblent lents, en particulier dans un contexte macroéconomique difficile, il est important de renouer avec la motivation sous-jacente qui vous a attiré dans ce domaine. La passion et la motivation personnelle qui m’animent sont ce qui m’aide à surmonter les jours les plus difficiles.

Enfin, n’oubliez pas que la culture organisationnelle et la force des équipes collaboratives sont essentielles à la réussite. Ne sous-estimez pas l’impact d’une équipe soudée et sur la même longueur d’onde. Cela devrait toujours être l’objectif numéro un lorsque les leaders écologiques établissent des cibles de durabilité – assurer la participation de tout le monde à la démarche.

Découvrez les lauréats des Prix du CBDCA de 2025 et d’avant.

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