Demandez à l’expert : Natalie Voland

Présidente de Gestion immobilière (GI) Quo Vadis, Natalie Voland s’est forgé une réputation de spécialiste des projets d’atténuation du carbone et des logements accessibles qui tiennent compte de l’inclusion et du changement climatique dans le secteur de l’immobilier. Maintenant à la tête de la première entreprise certifiée B Corp au Québec et gestionnaire d’un portefeuille immobilier totalisant 1,5 million de pieds carrés, son parcours atypique lui a enseigné comment travailler en dehors des sentiers battus. Dans cette entrevue, elle nous explique sa façon de bâtir en pensant à l’avenir et de s’adapter aux fluctuations incessantes du marché. 

Vous avez trouvé votre voie vers le bâtiment durable dans une entreprise dont le nom peut être traduit par « où allez-vous? ». Comment en êtes-vous arrivée là et où allez-vous?

Je me suis d’abord posé certaines questions auxquelles je devais répondre : Que voulais-je faire dans une carrière en immobilier après avoir quitté le travail social? Que pouvais-je améliorer dans le développement et la gestion de l’immobilier? Qu’avais-je à offrir à l’industrie? J’ai réalisé qu’il y avait des effets secondaires négatifs à ce que j’appelle certaines décisions pro forma des conseils d’administration du secteur du développement – là où les bâtiments étaient créés sur la base de critères financiers qui ne tenaient pas toujours compte de l’empreinte écologique, de l’impact pour la collectivité et les utilisateurs ou de la façon dont ils vieilliraient au fil du temps. J’ai pensé que je pouvais apporter quelque chose de différent en raison de mon parcours en travail social : le concept des systèmes. Les bâtiments ne sont pas des structures autonomes; ils font partie d’une ville et de la nature (ou non) et ils ont des incidences sur les personnes qui les occupent et celles des environs. Si nous pouvions déterminer ces paramètres et bâtir ou rénover les bâtiments de manière à réduire leur empreinte environnementale, à mieux les intégrer dans la ville et à mieux répondre aux besoins de la population, nous aurions alors un avantage concurrentiel.

Votre approche collaborative est basée sur un leadership des inclusions et la conception centrée sur les personnes. Est-ce ainsi que vous avez concilié votre carrière initiale et vos objectifs actuels?

Le travail social m’a vite appris que les systèmes interagissent les uns avec les autres, et à l’intérieur d’eux-mêmes. Nous travaillons avec des chercheurs universitaires, des architectes, des ingénieurs, des fonctionnaires municipaux, des constructeurs et des fournisseurs de produits dans une approche de conception intégrée qui oriente nos cibles en matière de réduction du carbone, d’efficacité des bâtiments, de solutions basées sur la nature et de bien-être des occupants. Nous réalisons nos projets dans un objectif de régénération. Nous économisons de l’argent et nous dépensons les budgets aux bons endroits pour que nos bâtiments restent accessibles, car nos collaborateurs font tous partie de la solution. Nous sommes en quelque sorte les chefs d’orchestre d’une symphonie : ensemble, nous sommes plus forts que la somme de nos parties dans le secteur de l’immobilier.

Comment faites-vous de l’immobilier un vecteur du changement des collectivités? Est-ce ainsi que votre entreprise est devenue la première à obtenir la certification B-Corp au Québec?

Les données, les indicateurs et les résultats clairement documentés sont plus crédibles qu’une campagne de marketing sophistiquée. Nous avons voulu démontrer clairement que nous sommes une entreprise axée sur le triple résultat dans laquelle les décisions, les cibles et les livrables accordent une importance égale au profit, aux gens et à la planète. Nous sommes devenus la première entreprise certifiée B-Corp au Québec pour joindre littéralement l’investissement à la parole. La certification B-Corp nous a aussi offert une façon extraordinaire de nous positionner auprès de nos employés, de nos locataires, de nos prêteurs et de nos collaborateurs. Il m’est apparu clairement, dès le début de ma carrière dans l’immobilier, que nos objectifs de changement dans l’industrie étaient basés sur un meilleur modèle d’affaires où nous pourrions tirer profit d’une action basée sur le bien des personnes et de la planète. Nos édifices sont occupés au maximum de leur capacité, nos locataires sont formidables et nous avons une équipe exceptionnelle et stable.

La semaine mondiale du bâtiment durable sera lancée le 11 septembre. Le thème de cette année est #BatirLaTransition en mettant l’accent sur l’énergie, la restauration et la justice sociale. Quel sens donnez-vous à l’expression bâtir la transition?

Collaboration. Avoir un objectif final de collectivités régénératrices et inverser les processus. Il n’est pas nécessaire de tout faire dès le premier jour. Toutefois, nous devons faire le point, mesurer les références, établir des cibles et ne reculer devant rien pour les atteindre. Chaque nouvelle façon de bâtir ou d’investir qui concorde avec les valeurs de la résilience est une étape de plus vers la création d’une nouvelle référence en matière de construction. L’immobilier est une industrie qui n’a pas été remodelée depuis des générations; l’innovation est possible et probable. Alors chaque personne dans l’industrie peut trouver sa place pour déterminer où se situe son rôle. Les premiers adeptes amorcent la transition et l’industrie suivra, car les risques de l’inaction seront plus élevés que ceux du changement de pratiques bien établies. La justice sociale est pour nous une question d’accès. Nous ne pouvons pas avoir seulement des collectivités prospères et élitistes; il faut que tous les bâtiments et tous les espaces communs soient les meilleurs possibles. La collaboration et le volume entraîneront une baisse des coûts des meilleurs matériaux de construction et amélioreront les méthodes de manière à ce que le logement social et abordable fasse partie des collectivités plus inclusives.

Vous vous spécialisez dans la rénovation de bâtiments patrimoniaux qui favorisent les écosystèmes entrepreneuriaux. Comment faites-vous pour décarboner un bâtiment centenaire comme le complexe Dompark et lui donner une nouvelle vocation?

Nous avons commencé le projet de reconversion du complexe Dompark en 1995. Au fil du temps nous avons changé la vocation industrielle de ce bâtiment de 470 000 pieds carrés pour en faire des lofts de bureaux avec des plafonds de 16 pieds. Dans les 10 dernières années, nous avons mis l’accent sur la gestion des déchets, la façon de bâtir les espaces et le choix des matériaux. Nous nous sommes demandé comment changer les comportements grâce à nos systèmes de gestion des parcours pour amener nos fournisseurs, nos employés et nos locataires à tenir compte de notre empreinte écologique et de notre impact social. La décarbonation était la prochaine étape au complexe Dompark. L’édifice a été incroyablement bien construit, il y a plusieurs générations. Il fallait comprendre sa construction, l’évaluer et la mesurer. Nous avons calculé tout le carbone opérationnel et nous avons aussi commencé à examiner les mesures d’efficacité et les pertes énergétiques. En collaboration avec l’Université Concordia, nous avons bâti des systèmes et utilisé un logiciel pour modéliser notre bâtiment de référence et nous avons déterminé quelle stratégie d’atténuation aurait le plus grand impact sur une période qui permettrait aux flux de trésorerie d’atteindre les objectifs. Nous avons utilisé les Normes du bâtiment à carbone zéro du CBDCA pour planifier notre transition. Nous travaillons avec des chefs de file de l’industrie pour modifier nos systèmes mécaniques en fonction du mode de construction du Dompark et de sa structure en bois et maçonnerie. Nous utilisons une stratégie sur tout le cycle de vie pour les calculs relatifs aux nouveaux matériaux dans la rénovation, pour réaliser l’ACV et pour déterminer les politiques d’approvisionnement local et le choix de produits qui ont des DEP. Nous travaillons avec nos banquiers pour trouver des façons créatives de financer la mise en œuvre de systèmes carboneutres de manière rentable. Les chercheurs de l’Institut des villes nouvelle génération utilisent notre bâtiment comme étude de cas pour que nous puissions continuer à innover dans notre parcours global vers les pratiques régénératrices et que Dompark continue de servir la communauté pour encore 100 ans.

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