Demandez à l’expert: Nancy Bosscha

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Édition des Prix du CBDCA

Le concours des Prix du CBDCA reconnaît les membres qui contribuent à l’avancement du bâtiment durable au Canada. Les catégories de prix permettent aux innovateurs du secteur du bâtiment durable de mettre en valeur leur nouvelle vision, leurs compétences et leur détermination à susciter un changement positif. Le Prix de l’éducateur inspiré reconnaît des personnes méritantes au sein d’établissements d’enseignement qui contribuent au partage des connaissances en matière de conception, de construction et d’exploitation de bâtiments durables ou de développement immobilier durable, préparant ainsi la voie pour la prochaine génération de professionnels du bâtiment durable. Nous nous sommes entretenus avec Nancy Bosscha, représentante du comité de durabilité du Collège de Bow Valley (le Collège), qui a remporté ce prix en 2022.

Parlez-nous de votre carrière et dites-nous comment vous en êtes venue à occuper votre rôle actuel au Collège de Bow Valley. 

J’ai commencé ma carrière comme dessinatrice à la fin des années 1980 et j’ai travaillé pour des ingénieurs et des architectes sur divers projets de bâtiments et de génie civil, y compris de la signalisation pour les pistes d’un aéroport et des projets d’écoles et de bâtiments résidentiels. Je suis retournée aux études à la fin de la vingtaine pour obtenir un baccalauréat en design industriel, après quoi j’ai travaillé pour des fabricants de meubles, des architectes et des designers d’intérieur.

Avec les bouleversements économiques du début des années 2000, j’étais sans emploi et à la recherche de changement. J’avais toujours voulu enseigner et le Collège de Bow Valley lançait un programme de certificat en dessin technique. J’ai commencé à enseigner au Collège en 2004 où je donnais des cours de ce programme et des cours sur AutoCAD aux étudiants en décoration d’intérieur. En 2007, le Collège a cessé d’offrir le programme de dessin technique, mais il a étendu le programme de décoration d’intérieur qui menait à un certificat (programme d’un an) pour en faire un programme menant à un diplôme (programme de deux ans). Mon superviseur m’a demandé dans quel domaine j’avais travaillé avant d’enseigner et j’ai répondu en planification d’espaces intérieurs. J’ai donc commencé à développer et à donner des cours du programme de décoration d’intérieur, y compris les cours sur les intérieurs durables. À ce moment-là, je me suis également jointe au comité écologique du Collège, en tant que membre du corps enseignant.

En 2017, le Collège a offert un programme de formation post-diplôme en conception de cuisines et salles de bain et j’ai commencé à enseigner dans ce programme. Je donne le cours sur la durabilité des programmes de décoration d’intérieur et de design de cuisines et salles de bain depuis lors.

Comment intégrez-vous la durabilité et les principes du bâtiment durable dans vos cours? Comment cela mène-t-il vos étudiants à adopter de telles pratiques?

Je présente aux étudiants des projets réels et je leur explique comment les points de vue et les perceptions ont changé. À la fin des années 1990, j’ai travaillé sur un grand projet d’édifices de bureaux dans l’Ouest canadien. Une nouvelle société de télécommunication voulait donner une image de marque à tous ses bureaux et ses points de vente. Dans un cas, un point de vente a été modernisé par une nouvelle peinture, de nouveaux revêtements de sol et un nouveau mobilier de bureau. À l’époque, on connaissait les peintures, les revêtements et les colles à faible teneur en composés organiques volatils (COV), mais ces produits coûtaient plus cher. Bon nombre des colles ou des revêtements utilisés contenaient des niveaux de COV jugés inacceptables aujourd’hui. Les employés sont retournés dans leurs nouveaux locaux quelques jours après la fin des travaux et dans les heures qui ont suivi, notre bureau a reçu des plaintes à l’effet que des personnes étaient malades. Nous avons compris ce que les COV pouvaient faire aux individus. Pourtant, il n’était pas toujours facile de le faire comprendre aux décideurs dans les années 90.

Plus tard, en 2005, j’ai eu un emploi d’été chez un fournisseur de mobilier pour aménager le nouveau siège social d’une société pétrolière qui déménageait de l’est du Canada à Calgary. Là aussi, les locaux ont été rafraîchis avec une nouvelle peinture, et le mobilier et les revêtements de sol ont été changés. Pourtant l’expérience des clients a été toute autre. Les matériaux utilisés dans le projet contenaient peu ou pas de COV. Ils avaient été entreposés dans un endroit secondaire suffisamment longtemps pour libérer les gaz nocifs. Les locaux ont été occupés de sept à dix jours après la fin des travaux pour permettre de libérer tous les COV résiduels. Ce projet avait planifié la période de libération des COV dans son calendrier. Le délai supplémentaire que cela occasionnait a constitué un changement radical dans l’industrie.

Lorsque nous étudions les matériaux, je veux que les étudiants comprennent comment ils sont fabriqués ou traités et ce qu’est un processus de fabrication fermé; je veux qu’ils sachent comment trouver la composition des matériaux utilisés dans la construction des meubles ou d’autres produits intérieurs et qu’ils aillent au-delà de la couleur d’un produit ou de la sensation qu’il procure. Par leurs travaux pratiques et les discussions en classe, les étudiants sont censés comprendre le rôle des fabricants dans la création de produits écologiques, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la contribution à leurs collectivités et le rôle éthique de leur entreprise. Lorsque l’étudiant comprend les principes de la fabrication des produits et connaît la liste rouge des matériaux, il comprend clairement les incidences que peuvent avoir les produits sur la santé des occupants et l’entretien des espaces.

Vous avez été impliquée dans la durabilité en dehors du Collège. En quoi ces expériences vous aident à définir votre approche à l’enseignement?

Mes parents ont appris à leurs cinq enfants (je suis la plus jeune) que la réparation des objets ou le compostage n’étaient pas un signe de pauvreté. L’accomplissement de ces tâches révèle plutôt un soin de la planète et contribue à réduire la quantité d’objets acheminés dans les centres d’enfouissement. C’est ce que je fais encore aujourd’hui. Je composte, je répare des objets quand c’est possible, je recycle et je suis consciente de l’empreinte carbone des produits que j’achète. Mon conjoint et moi avons un seul véhicule par choix et notre lieu de résidence nous permet de nous rendre au travail à pied, en vélo ou en transport en commun.

Cela m’a permis de faire profiter mes étudiants de mes expériences personnelles. Nous avons des étudiants internationaux et certains subissent les effets directs du réchauffement climatique. À l’opposé, d’autres sont inconscients que leurs décisions ont un effet boule de neige, aussi petit soit-il. En classe, nous discutons de sensibilisation des clients aux choix de produits, de la façon de leur vendre l’option « verte ». L’évolution du marché nous facilite souvent la tâche. Par exemple, en 2017, les robinets homologués Waterscence étaient une option dispendieuse pour les cuisines et salles de bain. En 2022, il est difficile de trouver un robinet qui ne possède pas cette homologation.

En classe, nous nous demandons comment nous pouvons faire une différence et aider nos clients à faire des choix similaires en étant plus verts et en sélectionnant des produits écologiques pour leurs domiciles.

Quelles sont les possibilités et les défis pour encourager une nouvelle génération d’étudiants à adopter des pratiques durables?

Les changements que j’ai observés dans les produits intérieurs verts au fil des ans sont prometteurs. Il ne s’agit plus de moderniser dans le but d’écologiser, car pour certains produits, c’est la seule option. La nouvelle génération doit comprendre ce qui rend un produit vert pour un emplacement donné. Elle doit aussi comprendre ce qu’est le carbone intrinsèque par rapport au carbone fonctionnel, car ils ont tous deux un rôle important dans la conception et la construction durables.

Le défi, c’est que l’industrie de la conception et de la construction est encore cloisonnée. Nous ne nous parlons pas au début des projets et nous faisons intervenir les experts à différentes phases des projets. Dans le cas de petits projets, cela peut supposer que différents chargés de projet interviennent à chaque phase. Cela a des incidences sur le projet en plus de poser des risques de retard ou de hausse de coûts et d’ajouter du stress pour le client.

Le plus grand défi pour la nouvelle génération, c’est de se faire entendre et d’être considérée comme faisant partie du changement. Ce n’est pas nouveau. C’était la même chose quand j’ai commencé à travailler dans les années 1980. On s’attendait à ce que nous suivions la « norme ». Nous avons aujourd’hui l’occasion de changer la « norme » et de changer nos façons de concevoir, de bâtir et de travailler collectivement dans l’industrie. Cela ne se produira que si toutes les parties s’écoutent les unes les autres. Le designer d’intérieur, l’architecte, l’entrepreneur, le dessinateur, le fabricant et les décorateurs travaillent sur un pied d’égalité, et personne n’est supérieur aux autres. On commence à tenir ces conversations; toutefois, on l’a fait souvent dans le passé et aujourd’hui, je suis déterminée à participer activement à ce changement, individuellement et par l’intermédiaire de mes étudiants.

La nouvelle génération a une occasion de faire de la conception durable la norme de l’industrie. En travaillant comme un collectif et en comprenant les rôles et les responsabilités de chaque expert d’un projet, il est possible de faire changer les pratiques de conception et de construction. Certains prétendent que nous avons déjà atteint ce seuil, mais ce n’est pas encore une norme universelle dans le secteur résidentiel où les projets sont souvent plus petits.

Vous avez récemment été nommée éducatrice inspirée dans le cadre des Prix du leadership et des Prix d’excellence en bâtiment durable du CBDCA. Que signifie cette reconnaissance pour vous? 

Ma participation à Bâtir un changement durable en juin dernier m’a renforcée dans l’idée que je suis sur la bonne voie avec mes étudiants. Comme enseignante, on se sent souvent isolée de l’industrie, on a parfois l’impression que nos idées sont trop originales ou qu’elles appartiennent à de l’histoire ancienne. Ce prix m’amène à aimer encore plus l’enseignement et les changements que nous faisons. Les changements ne s’opèrent pas aussi vite que la jeune fille de 20 ans le souhaitait dans les années 80, mais ils sont en cours et je peux aider la nouvelle génération à en faire partie.

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