20 ans de bâtiment durable avec Peter Busby

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Pour souligner notre 20e anniversaire, nous menons une série d’entrevues avec les fondateurs du CBDCA. Nous nous entretenons ce mois-ci avec Peter Busby, qui a été un puissant catalyseur et un pionnier de la croissance du mouvement de l’architecture écologique en Amérique du Nord. Son travail continue d’ailleurs d’inspirer les nouvelles générations d’architectes et de défenseurs du bâtiment durable. Nous revenons avec lui sur les tout débuts du CBDCA. Vous pouvez regarder l’entrevue complète ici.

Pouvez-vous nous parler du rôle que vous avez joué dans la fondation du CBDCA?

Si je me souviens bien, l’USGBC avait déjà un grand impact aux États-Unis et le mouvement gagnait rapidement du terrain. L’organisme avait été conçu pour être un moteur de changement du marché et faire connaître la conception durable à tous les architectes, ingénieurs et groupes de clients – promoteurs et autres. L’USGBC avait déjà créé les versions 1, 2 et 3 de LEED et nous avons essayé d’appliquer le programme et de l’utiliser au Canada. Nous avions déposé notre première demande d’approbation LEED auprès de l’USGBC pour un bâtiment à White Rock lorsque j’ai constaté que les Américains ne comprenaient pas le cadre réglementaire au Canada et ne réalisaient pas que les enjeux du marché n’étaient pas les mêmes. Nous avons donc demandé à Ray Cole, Ph. D., de l’UBC de faire une recommandation sur les mesures que nous devrions prendre à ce sujet, et il nous a recommandé d’importer LEED au Canada et de l’adapter pour le marché canadien. C’est à ce moment-là qu’un groupe de personnes se sont réunies et ont convenu qu’il fallait vraiment créer un organisme pour gérer l’utilisation de LEED au Canada, et qu’il fallait donc former le Conseil du bâtiment durable du Canada. C’est ce que nous avons fait.

En vous rappelant où vous en étiez lorsque vous avez entrepris cette démarche, comment la définition des bâtiments durables a-t-elle évolué au cours des deux dernières décennies?

Elle a considérablement évolué. De nombreux progrès ont été réalisés, tant sur le plan scientifique que dans l’opinion publique. Il y a vingt ans, peu d’organisations s’intéressaient à la conception durable. Les universités ont été les premières à adopter les bâtiments durables, car les professeurs et les scientifiques sont conscients des problèmes liés au changement climatique et veulent que les universités réagissent, mais le marché de l’aménagement ne s’y intéressait pas. Certaines autorités compétentes ont manifesté de l’intérêt, surtout les villes qui souhaitaient accroître les espaces verts et améliorer la durabilité des bâtiments. Il y avait de l’intérêt, mais peu de connaissances, alors nous avons commencé à faire équipe avec des ingénieurs en mécanique, principalement ceux de KEENE Engineering, de partout au Canada, afin de mieux comprendre comment rendre les bâtiments plus écologiques.
Dans un premier temps, nous avons visé la réduction de la demande énergétique et l’amélioration de la performance : lumière naturelle, enveloppes performantes, air frais, fenêtres ouvrantes, ce sont là les premiers éléments que nous avons rassemblés.

Nous avons acquis des connaissances sur la stratification de l’air et le mouvement naturel de l’air et nous avons beaucoup appris de l’Europe, en particulier de l’Allemagne et des pays scandinaves qui étaient bien en avance sur nous en matière de bâtiments durables et de réduction de la demande énergétique des bâtiments. Nous avons donc progressivement mis au point un ensemble de stratégies qui ont été largement utilisées. Le carbone n’était pas vraiment un facteur important à l’époque, on ne voyait pas encore à quel point la présence de carbone dans l’atmosphère pouvait être désastreuse. On s’efforçait surtout de réduire la consommation d’énergie et de réaliser des économies. Nous avons connu la première crise pétrolière et la première contraction pétrolière, qui ont entraîné une augmentation considérable du coût de l’énergie, suivie d’un certain effondrement du marché pétrolier et d’une nouvelle baisse des prix. Il a donc fallu maintenir l’effort pour que les gens restent concentrés sur la conception durable et élaborer d’autres stratégies.

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En fait, LEED était un assez bon outil dans ce sens, car il ne portait pas seulement sur l’énergie, mais aussi sur des questions d’aménagement du site, d’utilisation de l’eau, et de santé des occupants, ce qui a permis de mieux faire comprendre la notion de conception durable. Bien sûr, tout cela s’est considérablement complexifié et il existe aujourd’hui une panoplie de normes et d’objectifs. Il y a vingt ans, par contre, il n’y avait pas grand-chose de disponible en matière d’efficacité énergétique. Aujourd’hui, cette notion est plus perfectionnée et plus complexe, car les fournisseurs, les entreprises et l’industrie en général ont répondu à la demande pour des systèmes plus écoénergétiques. De nos jours, l’accent est mis sur la carboneutralité opérationnelle et le carbone intrinsèque dans les bâtiments. Le ciment est à l’origine d’environ 8 % des émissions totales de carbone sur la planète, il s’agit donc d’un bon objectif. Nous ne parlions pas de ces questions-là il y a 20 ou 25 ans.

Sur cette question de l’évolution des pratiques et de la conception durable, quel rôle le CBDCA a-t-il joué selon vous dans l’évolution des pratiques de construction et d’architecture?

Il ne fait aucun doute que le CBDCA a joué un rôle important à cet égard. Nous avons mesuré le succès en termes de nombre de bâtiments certifiés LEED. Au début, il s’agissait de certifications Argent, puis Or, et Platine, puis le CBDCA a commencé à mettre à jour les versions de LEED Canada. Chaque version est devenue plus prescriptive et plus orientée vers la performance, devenant plus exigeante, ce qui a permis au marché de mieux comprendre la conception durable. Presque tous les architectes du Canada sont devenus des professionnels agréés LEED, tout comme la plupart des ingénieurs en mécanique et en électricité, de sorte que le nombre de bâtiments certifiés est passé de dizaines à des milliers, et le parc de bâtiments certifiés LEED a atteint des millions de pieds carrés dans tout le pays. Le CBDCA a été en mesure de générer des revenus et de les consacrer à la recherche, au développement et au perfectionnement des outils afin d’accroître sa présence sur le marché. C’est donc dire que l’organisme a connu un franc succès et obtenu des résultats probants.

Avez-vous vu émerger certains défis inattendus au cours des dernières années?

Le principal défi est celui de l’éducation. Le CBDCA a toujours consacré beaucoup d’énergie à ce volet de ses activités. Dans un premier temps, il a fallu former les professionnels sur la manière de procéder, puis nous avons dû sensibiliser nos clients à l’importance de la conception durable. Enfin, nous avons dû sensibiliser le grand public. Le CBDCA déploie actuellement des efforts soutenus pour introduire ses Normes du bâtiment à carbone zéro sur le marché et les faire appliquer dans tout le pays. Or, c’est une question d’éducation. Le CBDCA connaît l’importance de la réduction du carbone opérationnel et du carbone intrinsèque, mais le message n’atteint pas immédiatement le public. Il est aussi important de verdir nos comportements en tant que praticiens, constructeurs et concepteurs que d’électrifier nos bâtiments et d’assainir les réseaux.

Sur quoi pensez-vous que le CBDCA devrait orienter ses efforts au cours des 20 prochaines années?

Je crois que notre objectif de carboneutralité dans l’exploitation de la totalité des bâtiments est réalisable. Et je pense que le CBDCA peut contribuer à l’atteinte de cet objectif. Je pense qu’il est très important de favoriser la réduction du carbone intrinsèque dans les bâtiments et le CBDCA peut mener cette action. Il a le pouvoir d’obliger les fabricants à divulguer la composition de leurs matériaux et leur empreinte carbone. Par exemple, l’industrie du béton commence tout juste à réaliser qu’elle est à l’avant-garde en matière d’émissions de carbone. Le CBDCA peut organiser des tables rondes et réunir les leaders de l’industrie pour leur demander ce qu’ils font à ce sujet. Partager les connaissances, élaborer des normes et les diffuser. Le CBDCA peut faire cela. Ce serait une excellente chose. Amener l’industrie de l’acier à agir de la même manière. Je pense qu’il est essentiel d’être proactif avec l’industrie. Le CBDCA a eu un impact sur la profession, sur la façon dont les bâtiments sont construits et maintenant il peut avoir un impact sur la façon dont les matériaux sont fabriqués et sur l’empreinte carbone de tous ces éléments. Ce serait un avenir formidable et cela pourrait être un objectif pour les 20 prochaines années.

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